Harry Potter et la magie d'Internet
Diffusion sur Internet par MSN, avec vos questions (écrites et filmées),
le 26 juin 2003.
Produit par MSN avec Bloomsbury, Clear Channel et Initial, une compagnie
d'Endemol, avec BT Broadband au Royaume-Uni et Schlolastic aux
Etats-Unis.
La diffusion commence par des interviews, enregistrées devant le Hall, d'enfants
qui ont attendu toute la matinée. J.K. Rowling arrive sous les
cris de joie. Elle s'arrête pour signer des autographes, pendant
que des magiciens, des jongleurs, et même une dame sur échasses
qui offre du thé, amusent la foule. À l'intérieur du Hall, on
chante une version de l'hymne de Poudlard.
À exactement 16h09 le direct démarre, et nous voyons ce qui se passe dans
le Royal Albert Hall. Le plateau est décoré en salle commune de
Poudlard, avec une cheminée encadrée par des tableaux, et une
énorme lune qui pend du plafond.
Il y a des écrans géants de chaque côté de la scène pour la diffusion des
questions filmées par MSN partout dans le monde.
Concierge assistant : J.K. Rowling est là, tout le monde ! Elle est dans
ce bâtiment ! Ooh ! Ooh ! Je suis tout excité ! Je suis très,
très excité. Hé ! Attendez, attendez ! Je suis sûr que vous êtes
si excités que vous êtes littéralement sur le point d'exploser
! Oh non, pas littéralement, pas littéralement ! J'ai assez de
saletés à nettoyer comme ça. Hé, il faut que je m'y mette ! L'endroit
doit être nickel, elle arrive bientôt (effets spéciaux : bruit
étrange). Ooh, quelqu'un vient. Allez tout le monde, faites-vous
beaux et ayez l'air plein d'entrain, parce qu'Elle sera là d'une
minute à l'autre. Je ferais bien d'attiser le feu. Voilà. Ooh
! le bruit que vous venez d'entendre signifie qu'un portail magique
vient de s'ouvrir et que des Moldus venus du monde entier vont
venir nous rejoindre. Bonjour, bienvenue au spectacle. Vous allez
être très, très gâtés, oh ça oui ! Dans un instant nous allons
rencontrer « Celle-Dont-On-Prononcera-Le-Nom » et « Celui-Qui-Posera-Les-Questions
», qui s'appelle. C'est un Moldu extraordinaire, il s'appelle
Stephen Fry et, comme vous le savez, il est la voix des livres
Harry Potter et il est là, maintenant ! Amusez-vous bien, tout
le monde ! Salut !
(effets spéciaux : Explosion et nuage de fumée comme Stephen Fry émerge de
la cheminée)
Stephen Fry : Oh, Seigneur. Bonjour, bonjour à tous. Bonjour, je suis au
bon endroit ? Ça fait longtemps que je n'ai pas utilisé la poudre
de Cheminette, et parfois je n'arrive pas à la bonne destination.
C'est bien le Royal Albert Hall ?
Public : OUIIIIIIIIIIIIIIIII !
SF : Bien. Je pense que la plupart d'entre vous sait pourquoi nous sommes
ici. Avez-vous vu un concierge assistant quelque part ? Il était
supposé m'accueillir. Avec un peu de chance il a été renvoyé.
Nous sommes ici pour faire la connaissance de l'écrivain la plus
célèbre et la plus populaire du monde !
Public : (cris de joie)
SF : Maintenant j'ai une question à vous poser. Êtes-vous prêts à la rencontrer
?
Public : OUIIIIIIIIIIIIIIIII !
SF : Dans ce cas, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, laissez-moi accueillir
sur cette scène J.K. ROWLING !
Public : (cris de joie assourdissants)
J.K. Rowling : Bonjour. Oh waouh !
SF : Que dites-vous de ça ?
JKR : C'est stupéfiant.
SF : Asseyons-nous. Nous avons quelques questions à vous poser. Installez-vous
là. Comme vous le savez peut-être, nous sommes diffusés sur Internet
tout autour du monde, et des tas de gens ont des questions à vous
poser.
JKR : Bien, bien.
SF : J'en ai une, pour commencer : comment vais-je vous appeler ?
JKR
: Jo.
SF : Jo ?
JKR : Oui.
SF : Pouvons-nous régler une question très importante ? Comment prononce-t-on
votre nom de famille ?
JKR : C'est « Rowling », comme dans « rolling pin » [/ro/ et non pas /rao/].
SF : Rolling ! Maintenant répétez tous après moi : Rolling. Un, deux, trois.
Public : ROLLING !
SF : Dorénavant si vous entendez quelqu'un prononcer « Row-elling », vous
avez ma permission pour les frapper sur la tête. Pas avec un exemplaire
de L'Ordre du Phénix, parce que ce serait cruel.
JKR : Ça les tuerait.
SF : Non, utilisez plutôt quelque chose de plus petit que le dernier livre.
Par exemple, un réfrigérateur.
[JKR rit]
SF : Il y a vraiment beaucoup de questions, alors écoutons la première, qui
nous vient d'un jeune homme pas très loin d'ici. Il s'appelle
James Williams et habité à Stevenage, dans le Hertfordshire.
Quel genre de livres lisiez-vous quand vous étiez enfant ? Est-ce que ce
sont eux qui vous ont donné envie de devenir écrivain ?
JKR : C'est une très bonne question, très intelligente. Je lisais tout ce
qui me tombait sous la main. Mes auteurs préférés étaient E. Nesbit.
j'aimais bien C.S. Lewis, et je lisais aussi des auteurs pour
adultes. Je lisais absolument tout et n'importe quoi : le dos
des paquets de céréales. tout et n'importe quoi.
SF : Êtes-vous l'une de ces personnes qui ne peuvent pas manger de céréales
sans lire ce qui est écrit sur le paquet ?
JKR : Oui, en effet.
SF : Moi aussi. Je deviens fou si je dois manger des céréales et qu'il n'y
a de paquet nulle part. L'une des choses que les gens aiment savoir
à propos des écrivains, j'imagine, est à quoi ressemble une journée
d'écriture normale. Je suis sûr qu'il n'y a pas de journée normale.
Ce sont des questions stupides, ou du moins elle vous paraîtront
peut-être stupides, mais les gens adorent savoir : utilisez-vous
un ordinateur ou écrivez-vous à la main ? Vous buvez du café ou
du thé ? Écoutez-vous de la musique quand vous écrivez ? Ce genre
de choses. Pouvez-vous nous raconter le déroulement d'une journée
?
JKR : Avant, ma manière d'écrire favorite était d'aller dans un café. J'adorais
faire ça parce que je trouve qu'être entourée de gens, même si
je ne peux pas leur parler pendant que j'écris, m'aide beaucoup.
Être écrivain est un métier évidemment très solitaire, mais maintenant
je ne peux plus aller dans les cafés parce que trop de monde vient
me voir pour me demander : « C'est vous, la dame qui écrit les
Harry Potter ? » Alors maintenant j'écris chez moi, et j'utilise
beaucoup plus l'ordinateur qu'avant.
SF : Vous écoutez de la musique en écrivant ?
JKR : Je n'écoute jamais de musique quand j'écris, ça me déconcentre.
SF : Vous buvez du thé ou du café ?
JKR : Les deux, en quantités excessives.
SF : Juste pour être très assommant : commencez-vous très tôt pour finir
très tard ? Est-ce que c'est tous les jours pareil ?
JKR : Je commence après avoir emmené ma fille à l'école et je m'arrête quand
j'ai si faim que je ne peux plus me concentrer sur l'ordinateur.
Je vais manger un sandwich et j'écris jusqu'à ce que Jessica rentre
de l'école, et parfois j'écris encore un peu dans la soirée.
SF : Et après environ un an.
JKR : Et après environ un an on se dit : « Ooh, je crois que j'ai fini le
livre ».
SF : Est-ce que vous l'imprimez au fur et à mesure pour le lire sur papier
?
JKR : Oui, je gaspille beaucoup de papier.
SF : Bien. Ces questions-là sont posées. À présent, une question d'Anna Beatrice
de Curia Perera, à Rio de Janeiro, au Brésil.
Avez-vous trouvé plus difficile d'écrire maintenant que le monde entier attend
avec impatience la sortie du nouveau Harry Potter ?
JKR : Mmm, je ne pense pas avoir trouvé ça plus difficile, mais être publié
ces temps-ci peut être un peu effrayant. Regardez où nous sommes
! À la première lecture publique que j'ai faite, deux personnes
étaient descendues par erreur au sous-sol de Waterstone's [une
librairie britannique] et ont été trop polies pour s'en aller
quand elles ont vu que quelqu'un faisait une lecture. Et tout
le personnel de la librairie a dû descendre pour étoffer un peu
le public. J'étais terrifiée. Je tremblais comme une feuille.
SF : Maintenant, quand vous vous rendez dans une librairie pour dédicacer
des livres, les gens se déguisent, non ?
JKR : En effet. Jusqu'à présent, la meilleur que j'ai vue, c'était une femme
déguisée en Grosse Dame : une robe rose et un cadre accroché à
son cou. C'était génial.
SF : C'est formidable ! En particulier aux Etats-Unis, où les gens ont plus
l'habitude d'un côté « théâtral » que nous. Vous voyez des garçons
habillés en Harry et des filles en Hermione ?
JKR : Beaucoup de garçons déguisés en Harry. J'ai remarqué que de plus en
plus de gens aiment s'habiller en Drago, ce que je trouve un peu
inquiétant. Vous vous mettez à aimer Drago un peu trop.
SF : Les forces du Mal prennent de l'ampleur, Jo.
JKR : En effet, c'est le cas !
SF : Il n'y a pas de question à ce propos. Mais il y en a une de Jess Wilde,
à Manchester :
Quel conseil donneriez-vous à des enfants qui veulent devenir écrivains ?
SF : « Jess » est bien évidemment un prénom que vous aimez.
JKR : Ma fille s'appelle Jessica. Je dis toujours la même chose : lisez autant
que possible. Rien ne vous aidera autant que la lecture. Puis
vous entrerez dans une phase om vous imiterez le style de votre
auteur préféré, et c'est bien. C'est une expérience, et il faudra
aussi vous faire à l'idée que vous détesterez nombre de vos écrits
avant d'en aimer un.
SF : On dirait que beaucoup d'auteurs pour enfants sont populaires, ces temps-ci.
Philip Pullman. vous l'aimez ?
JKR : Philip Pullman est fantastique. David
Almond, Jacqueline Wilson.
SF : Lemony Snicket. J'aime ce nom, j'aurais aimé m'appeler Lemony Snicket.
JKR : Quel nom. J'adorerais m'appeler Lemony Snicket.
SF : C'est presque mieux que d'être appelé Mondingus.
JKR : Presque. Vous savez ce que signifie Mondingus [Mundungus en anglais]
? C'est un vieux mot pour « tabac ». Mondingus sent toujours la
pipe et un tas d'autres odeurs déplaisantes, c'est pour ça qu'il
s'appelle Mondingus.
SF : Je l'ignorais. On aura appris quelque chose. À présent, faisons dix
mille kilomètres pour retrouver Lily Rodseth à Seattle, aux Etats-Unis.
Quel personnage vous manque le plus quand vous avez fini d'écrire un livre
?
JKR : Ils me manquent tous beaucoup, mais je vais devoir répondre Harry,
parce que c'est mon héros et qu'il y a beaucoup de moi en lui.
SF : Comme je les lis, on me demande quel est mon personnage préféré, et
je réponds toujours Harry. Vous n'avez pas fait « Quelqu'un d'autre
» à l'École des Sorciers ou « Quelqu'un d'autre » et la Chambre
des Secrets ; c'est l'histoire de Harry et c'est lui qu'on voit
évoluer et grandir.
JKR : C'est le voyage de Harry. C'est à travers ses yeux qu'on voit le monde,
il est donc très important pour l'histoire.
SF : Pouvez-vous nous rappeler comment toute l'histoire s'est imposée à vous,
presque en entier ?
JKR : J'étais dans un train qui allait de Manchester à Londres, je regardais
les vaches par la fenêtre et je me suis dit : « Un garçon qui
ignore qu'il est un sorcier va dans une école de sorcellerie ».
Je ne sais pas du tout d'où c'est venu. L'idée se baladait dans
le train, elle cherchait quelqu'un, et mon esprit était libre
alors c'est là qu'elle s'est précipitée.
SF : Et vous avez commencé à jouer avec cette idée ?
JKR : Exactement. À partir de là je me suis demandé : « Pourquoi ne sait-il
pas qu'il est un sorcier ? » C'était comme si l'histoire était
là, à attendre que je la découvre. Ses parents sont morts, il
doit découvrir qu'ils étaient des sorciers, et c'est de là que
tout est parti.
SF : Et les noms, il faut que je parle des noms. Vous avez dit que Mondingus
voulait dire « tabac ». Beaucoup de noms ont une signification
très particulière : Albus Dumbledore est du côté de la lumière,
et son nom signifie « blanc » en latin. Et Alba, ou Albion, était
un ancien nom de la Grande-Bretagne.
JKR : Ça signifie également « sagesse » en latin.
SF : Oui, « alb ». Et Malefoy ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
JKR : C'est un nom inventé, mais on pourrait dire qu'il s'agit du vieux français
pour « mauvaise foi ». Ça lui va très bien.
SF : Mauvaise foi. Malfoy. c'est parfait ! Je suis certain que tout le monde
a remarqué que la devise de Poudlard était en latin, et quelle
est-elle ?
JKR : Eh bien, vous êtes l'une des seules personnes que j'aie rencontrée
qui savait ce que ça voulait dire : « Ne jamais chatouiller le
dragon qui dort ».
SF : Ne jamais chatouiller un dragon qui dort, probablement l'un des conseils
les plus sages que l'on entendra jamais. C'est un excellent conseil.
C'est l'équivalent magique de « Il ne faut pas réveiller le chat
qui dort ».
JKR : Exactement !
Question de Neil Sierra à Sydney, en Australie : Avez-vous jamais pensé à
écrire un livre sur Harry cinq ou dix ans après qu'il a quitté
Poudlard ?
JKR : On me demande tout le temps si j'écrirai un livre sur Harry adulte.
Et je réponds toujours : « Attendez d'abord de voir s'il survit
et devient un adulte ».
SF : Oh Seigneur, quelle pensée terrifiante !
JKR : Désolée. Je ne dis pas qu'il ne survivra pas, mais je ne veux rien
révéler à ce stade.
SF : Il grandit, bien sûr, et c'est intrigant, quand on lit les livres, de
les voir, lui et ses mais, devenir plus mûrs. Selon vous, qu'est-ce
qui sera le plus difficile pour lui : combattre Voldemort - il
faut pouvoir prononcer son nom ou il a trop de pouvoir sur vous
- ou embrasser Cho ?
JKR : Ceux qui ont lu L'Ordre du Phénix doivent avoir leur petite idée sur
la réponse à cette question.
SF : Nous ne révélerons rien, car tout le monde ne lit pas aussi vite. En
une semaine je pourrais lire quelques annuaires téléphoniques,
mais pas ce livre. Autre chose, à propos des personnages qui grandissent
: si l'on regarde les deux premiers livres, ils ont presque l'air
innocent en comparaison. Il y avait des monstres, des traîtres.
À présent tout est plus compliqué.
JKR : Oui, tellement plus compliqué.
SF : Tout se complique à mesure que Harry devient plus vieux. Quand il est
arrivé dans le monde magique, après ces années horribles passées
chez les Dursley, il s'attendait à découvrir le pays des merveilles.
Et presque aussitôt, il rencontre Drago Malefoy et découvre que
certains sorciers sont racistes. Et lentement mais sûrement, il
découvre que beaucoup des dirigeants du monde sorcier sont aussi
vils et corrompus que dans notre monde.
JKR : C'est parce que l'on parle de la nature humaine, et des gens avec des
motivations pas très pures ont également une baguette. On passe
beaucoup de temps à faire des lois pour s'en protéger.
SF : Exactement, des politiciens, des journalistes. Les gens disent qu'ils
n'ont pas de baguette magique pour résoudre tous les problèmes
du monde, mais vous montrez que même avec une baguette, on ne
peut pas tout régler. Maintenant, passons à une question de Daniel
Joseph , à Croydon, au Royaume-Uni :
Comment avez-vous décidé à quoi ressembleraient les méchants ?
JKR : C'est horrible à dire, mais j'ai rencontré assez de gens que je n'ai
pas aimé pour savoir à quoi je voulais que mes méchants ressemblent.
D'après les lettres que je reçois de personnes d'à peu près votre
âge que vous connaissez sûrement tous un Drago Malefoy, et que
toutes les filles ont une Pansy Parkinson dans leur entourage.
Nous grandissons tous avec cette sorte de personnes, et en tant
qu'adultes nous avons sans doute tous rencontré un Lucius Malefoy
ou un autre personnage.
SF : Malefoy, Crabbe et Goyle sont irrémédiablement mauvais. Il n'y a rien
d'attirant chez Crabbe et Goyle, mais Malefoy possède un certain
style.
JKR : Oui, dans les films.
SF : Oui, et même dans les livres, il a du panache. La plupart des personnages
comme Rogue sont difficiles à aimer, mais il y a une certaine
ambiguïté. difficile de se décider. il y a quelque chose de triste
chez lui. Il est seul, et c'est fascinant de voir dans le premier
livre que c'est lui, le méchant (en-dehors de Voldemort), mais
que finalement, on se dit qu'il n'est peut-être pas si mauvais
que ça en fin de compte.
JKR : Oui, mais vous ne devriez pas le croire trop gentil. Ça vaut le coup
de garder un oil sur le vieux Severus !
SF : L'une des choses les plus horribles lorsqu'on en jeune, c'est l'injustice.
Quand quelque chose est injuste, ça nous met très en colère. Et
l'une des choses qui me met en colère à la place de Harry, c'est
qu'on raconte des mensonges sur lui. Nous savons bien qu'il est
courageux, et il a sauvé le monde magique à de nombreuses reprises,
et pourtant dans chaque livre il doit tout recommencer à zéro
et faire à nouveau ses preuves. Dumbledore sait qu'il est bon,
et que les pères des Mangemorts, Crabbe et Goyle, sont mauvais.
JKR : Je ne veux pas en dire trop mais Dumbledore est très sage. Il sait
que Harry va devoir subir quelques leçons particulièrement difficiles
qui le prépareront à ce qui pourrait lui arriver plus tard. Il
laisse Harry faire des choses qu'il n'autoriserait jamais un autre
élève à faire, et sans le vouloir, il laisse Harry se fourrer
dans des situations dont il préfèrerait le protéger. Comme ceux
qui ont lu L'Ordre du Phénix le savent, Dumbledore a dû s'effacer
pour que la vie enseigne quelques-unes des leçons les plus difficiles.
SF : Il faut pousser ses oisillons adorés hors du nid pour qu'ils apprennent
à voler. Une question de Hong Kong :
Croyez-vous en la magie ?
SF : C'est une bonne question ! Croyez-vous en la magie ?
JKR : Je suis désolée d'avoir à le dire, parce qu'à chaque fois les gens
se mettent à grogner, mais non, je n'y crois pas.
[Le public grogne].
JKR : Je ne crois pas en la magie telle qu'elle apparaît dans les livres.
Je pourrais être un peu sentimentale et dire que je crois en d'autres
types de magie : la magie de l'imagination, par exemple, et l'amour,
mais la magie qui consiste à agiter une baguette, non. J'adorerais
y croire, mais j'ai bien peur d'en être incapable.
SF : Mais ce n'est pas grave si ça a l'air sentimental. Ce qui est important
c'est que Harry résout ses problèmes grâce au courage, à l'amitié,
à sa loyauté et à la volonté de son cour.
JKR : La « volonté de son cour », c'est très bon ! Pour le moment Harry n'est
pas assez bon pour s'attaquer à Voldemort dans un duel sorcier
contre sorcier. Il lui a échappé trois fois, quatre si l'on compte
la rencontre avec Tom Jedusor. Il y arrive parce qu'il y a une
chose que Voldemort ne comprend pas, et c'est ce qui fait tenir
Harry debout. Et nous savons tous ce qu'est ce pouvoir.
SF : Exactement. À présent, nous sommes avec Natasha Rye dans le Suffolk
:
Si vous pouviez avoir un pouvoir magique, lequel serait-ce et comment l'utiliseriez-vous
?
JKR : Si je pouvais bénéficier d'un pouvoir, ce serait celui d'invisibilité.
Et c'est un peu triste, mais je filerais certainement dans un
café pour écrire toute la journée.
SF : Je suis en train de penser à toutes les vilains choses que je ferais
si je pouvais me rendre invisible, et je n'irais certainement
pas écrire !
JKR : En venant ici, on m'a demandé pour la première fois quand le sixième
livre sortirait. Alors vous voyez, j'ai intérêt à me mettre rapidement
au travail.
SF : Ce ne sera jamais assez rapide pour nous. Une question de Paris, en
France, posée par Antoine Dédin [en français ] :
Si vous regardiez dans le miroir du Riséd, qu'y verriez-vous ?
SF : Le miroir du Riséd, comme tout le monde le sait. Si on lit Riséd à l'envers,
qu'est-ce que ça donne ?
Public : Désir !
SF : Désir à l'envers.
JKR : Très bien. En ce moment, je me verrais probablement telle que je suis,
puisque l'une des choses les plus merveilleuses qui pouvaient
arriver s'est effectivement passée, et j'ai eu un autre enfant.
Je me verrais moi, avec ma famille. J'aimerais également voir
ce que Harry voit : ma mère en vie. Et au-dessus de mon épaule,
il y aurait de la place pour un scientifique qui inventerait une
cigarette non toxique, ce serait formidable, et je pense également
à un certain journaliste en train de bouillir dans de l'huile.
SF : Si votre premier livre n'avait connu qu'un succès raisonnable, comme
le seconde, et que seul un petit groupe de gens ait connu votre
nom, pensez-vous que l'histoire se serait développée dans un autre
sens ? Est-ce que votre célébrité et le succès incomparable que
vous remportez ont eu quelque incidence sur votre vision du monde
et sur la manière dont les livres évoluent ?
JKR : Mmm, oui, en effet. Je crois que j'ai su que Harry ressentirait beaucoup
de pression de par sa position en tant que sorcier - comme quand
il entre pour la première fois au Chaudron Baveur et qu'il est
stupéfait d'entendre que tout le monde parle de lui depuis onze
ans sans qu'il en ait la moindre idée - et aussi qu'il rencontrerait
quelqu'un de La Gazette du Sorcier. Il serait idiot de prétendre
que je n'écris pas sur Rita Skeeter avec plus de plaisir qu'auparavant.
Mais j'évite de lire ce qu'on écrit sur moi.
SF : Et maintenant, une question d'Amit Ben David, de Roshon, en Israël :
Quel genre de musique Harry Potter écoute-t-il ?
JKR : C'est une très bonne question. Eh bien. Récemment, il a entendu le
super groupe sorcier les Bizarr'Sisters, qui sont venus au Bal
de Noël avec un étrange assortiment d'instruments de musique :
cornemuse, violoncelle, et bien sûr une guitare électrique. Et
je dirais que c'est son groupe favori.
SF : Il n'y a pas de rap, de hip hop ou de musique house chez les sorciers
?
JKR : Ç'aurait été trop compliqué. Il s'en tient aux Bizarr'Sisters et vous
pouvez faire d'eux ce que vous voulez.
SF : Et vous ?
JKR : La musique que j'aime ? Beaucoup de styles différents. Les Beatles
étaient mon groupe favori, et vous entendre tous hurler. jamais
je n'aurai davantage l'impression d'être un Beatle. C'est très
agréable.
SF : [au public] Mais vous faites plus de bruit qu'un public des Beatles,
non ?
Public : OUIIIIIIIIIIIIIIIIIII !
SF : Une question d'un endroit que vous connaissez très bien, Janine Kerr
d'Edimbourg :
Si vous étiez professeur à Poudlard, quelle matière enseigneriez-vous ?
SF : Vous avez été enseignante.
JKR : J'ai été enseignante. J'enseignerais sûrement les sortilèges. Je vois
les sortilèges comme une matière un peu plus facile que la métamorphose,
qui se résume à beaucoup de travail. Les sortilèges laissent plus
de place à la créativité, alors que la métamorphose nécessite
de tout faire exactement comme il faut, c'est plus scientifique.
Ma fille serait meilleur que moi en métamorphose, elle est très
scientifique.
SF : Quelle matière enseigniez-vous ?
JKR : Le français.
SF : Est-ce que vous lisez et parlez toujours français ?
JKR : Très rarement. Je n'ai pas beaucoup de temps ces temps-ci pour lire
en français, car j'ai des enfants ! Et j'utilise mon temps libre
à écrire et à lire, en anglais.
SF : Où étiez-vous à l'école ?
JKR : À la Forêt de Dean. C'est pour ça que Hagrid a cet accent [inexistant
en français], parce qu'il vient de là.
SF : Une question de Natasha Morrison, qui a gagné le concours, elle est
dans le public.
JKR : Bonjour Natasha !
Natasha : Comment avez-vous pensé au Quidditch, qui ne ressemble à aucun
autre sport connu ?
JKR : Bon, alors, si tu veux inventer le Quidditch, tout ce que tu as à faire
c'est avoir une énorme dispute avec ton petit ami de l'époque,
sortir de la maison, tu t'assois dans un pub et tu inventes le
Quidditch. Je vois pas où est le lien entre la dispute et le Quidditch,
à part que le Quidditch est un sport assez violent et que peut-être,
dans les tréfonds les plus noirs de mon âme j'aurais aimé le voir
frappé par un cognard.
SF : Vous jouez parfois à des jeux vidéo ?
JKR : Moi non, mais ma fille y joue. Elle est très bonne. Mais la Playstation,
ce n'est pas pour moi, je suis très mauvaise.
SF : Je n'ai jamais réussi à aller plus loin que l'endroit où il faut jeter
les gnomes par-dessus la haie, ce qui est le niveau un demi. [quelqu'un
entre] Oui ?
Concierge : Bonjour Maître Moldu. Une question de la Machine moldue.
SF : Bien sûr, avec tous les gens qui nous regardent, nous recevons beaucoup
d'e-mails. Mais cette question n'est pas d'un vrai petit garçon
ou d'une vraie petite fille, n'est-ce pas, elle est de vous ?
Concierge : Non, non ! Comment le savez-vous ?
SF : Aucun de ces gentils garçons et filles ne voudrait savoir si les sorciers
ont le pouvoir de faire que les pets sentent très mauvais, ou
quel genre de sous-vêtements Harry Potter porte, ni ce qui sent
le plus mauvais entre le caca de licorne et l'urine de dragon
! Vous faites honte à voir ! Revenez quand vous aurez une vraie
question, pas avant ! Ridicule !
JKR : C'est l'urine de dragon qui sent le plus mauvais. [éclats de rire]
SF : Nous avons encore du temps pour recevoir des questions de partout dans
le monde, alors continuez à nous envoyer des e-mails, et M. Emulsion
nous les apportera. Maintenant, une question de Jackson Long,
qui a lui aussi gagné le concours et se trouve dans le public.
Jackson : Le professeur Rogue a toujours voulu enseigner la défense contre
les forces du Mal. Il n'a toujours pas le poste dans le cinquième
tome. Pourquoi le professeur Dumbledore ne veut-il pas le lui
donner ?
JKR : C'est une excellente question, parce que je dois faire très attention
à ce que je vais dire. Si j'y répondais complètement je dévoilerais
ce qui est expliqué dans les deux derniers livres. Quand le professeur
Dumbledore a engagé le professeur Rogue et que ce dernier a dit
: « J'aimerais être professeur de défense contre les forces du
Mal, s'il vous plaît », le professeur Dumbledore a eu peur que
cela fasse ressortir les pires aspects de ce qu'il y a en Rogue
et il a répondu : « Je vais vous laisser enseigner les potions
et nous verrons comment vous vous débrouillez ».
SF : Nous en avons parlé un peu auparavant, de Rogue [Snape en anglais].
Il y a un « s » et un « n » et qui se suivent, on ne peut pas
le dire sans sourire un peu. C'est comme sneer (= sourire avec
mépris) ou snarl (= gronder).
JKR Ou Snake (= serpent) ! J'aurais pu l'appeler Snicket, aussi, mais c'est
un mot plsu gentil, plus amusant, alors je ne l'ai pas fait.
SF : Sneeze (= éternuement) est agréable aussi. Et bien sûr, le fondateur
de la maison Serpentard était Salazar Serpentard [Slytherin],
encore une histoire de serpent. On parle beaucoup de serpents.
Est-ce que le mot « Fourchelang » [« Parselmouth »] existe ou
bien c'est vous qui l'avez inventé ?
JKR : « Parselmouth » est un mot ancien pour désigner quelqu'un qui a un
problème avec la bouche, comme un bec de lièvre.
SF : Donc c'est à nouveau un mot réel, très intelligent. L'Ordre du Phénix
fait 766 pages. C'est un gros livre, et comme je dois m'asseoir
devant un micro pour en lire chaque mot, je suis un peu en colère
contre vous. D'un autre côté, le rapport qualité/prix est excellent.
Vous auriez pu écrire huit livres avec le nombre de mots que contiennent
les cinq premiers tomes ensemble. Vous saviez qu'il serait si
long ?
JKR : Non, je ne le savais pas. Je devais y mettre certaines choses, à cause
de ce qui va se passer dans les tomes six et sept, je ne voulais
pas qu'on me dise : « Tricheuse, vous ne nous avez jamais donné
d'indice ! » Si n'avais pas mentionné certaines choses dans L'Ordre
du Phénix, plus tard vous m'auriez dit : « Hé, vous nous sortez
ça d'où ? », alors qu'au contraire, je veux que le lecteur soit
en mesure de deviner s'il est attentif.
SF : Pour la surprise.
JKR : Oui, il y a encore quelque surprises à venir.
SF : Vous êtes très cruelle envers Harry. Il lui arrive tellement de misères.
Toutes les injustices, les trahisons, c'est pour lui.
JKR : C'est vrai. Je pense que c'est dans ce livre que c'est le plus dur
pour lui, même s'il va lui arriver des choses terrifiantes. Dans
ce livre personne ne le croit, et en plus il est adolescent. Ces
deux fardeaux en même temps dans une vie, c'est horrible. Mais
maintenant au moins, tout le monde sait qu'il dit la vérité. Quoi
qu'il doive affronter dans les livres à venir, il n'a plus le
souci de gens qui ne lui font pas confiance.
SF : Rencontrerons-nous les parents d'Hermione ?
JKR : Nous les avons déjà aperçus, mais ils sont dentistes, alors ce n'est
pas très intéressant.
SF : Vous allez recevoir des tas de lettres de plainte de la part de dentistes.
JKR : J'aime beaucoup les dentistes, je n'aurais jamais dû être si impolie.
Je retire ce que j'ai dit : imaginez la prochaine fois que j'irai
chez le mien pour un plombage.
SF : Une autre des inventions les plus atroces et les plus réalistes est
ce snobisme, cette idée de « sang-purs » et de « sang-de-bourbe
», de « sang impurs ». C'est un reflet de certaines choses de
notre monde, comme le racisme et l'intolérance. C'était délibéré
ou ça vous est venu comme ça, dans un flash ?
JKR : C'était voulu. C'est là depuis le tout début, lorsqu'on voit Drago
être grossier envers les moldus. Je jouais également avec ça en
créant le professeur Lupin, qui a une maladie contagieuse qui
fait que tout le monde a peur de lui. J'aime beaucoup ce personnage,
mais il a aussi ses faiblesses, bien qu'il soit un homme très
gentil et un enseignant formidable. En fait, c'est le seul personnage
que j'aie inventé que j'aurais aimé avoir comme professeur. McGonagall
est un bon professeur, mais elle fait parfois un peu peur. La
faiblesse de Lupin, c'est qu'il aime être aimé, c'est là qu'il
pèche. Il a si souvent été rejeté qu'il est toujours content d'avoir
des amis, et il leur facilite trop les choses.
SF : C'est vrai. Nous n'allons pas parler du personnage qui meurt, parce
que tout le monde n'a pas encore lu le livre, mais cela a causé
des remous quand vous avez dit que cet événement vous avait bouleversée.
Est-ce que vous ressentez quelque chose envers tous vos personnages
?
JKR : Oui. Ce que j'ai voulu faire avec cette mort, c'est montrer que la
mort peut être très arbitraire et très soudaine. La scène ne dure
pas très longtemps, cette mort est presque accidentelle. C'est
l'une des choses cruelles de la mort, et à présent que nous sommes
en guerre ça peut arriver n'importe quand. C'est comme ça que
ça marche. Un moment, vous parlez avec un ami, et l'instant d'après
il est parti, aussi choquant et inexplicable que ça puisse paraître.
Ils étaient là, et maintenant où sont-ils ? J'ai trouvé cela très
difficile à écrire, parce que je savais ce que ça voudrait dire
pour Harry.
SF : Oui... Même malgré tout son côté sombre, il l'aimait vraiment, ce personnage...
JKR : Et je crois qu'on a vendu la mèche ! [elle rit]
SF : Oups... Pardonnez-moi, je n'ai rien dit [très gêné, change de sujet].
Luna Lovegood ! Parlons de Luna Lovegood
!
JKR : Oui ! Je ne sais pas
d'où elle m'est venue, mais j'aime beaucoup Luna, elle est très
amusante à écrire. Elle est un peu à côté de la plaque, c'est
l'anti-Hermione. Hermione est si logique, si inflexible, alors
que Luna est tout prêt à croire dix choses pourtant impossibles
dès qu'elle se lève le matin.
SF : Venons-en maintenant à l'un des personnages les plus énervants que vous
ayez jamais inventés. Ombrage.
JKR : Elle est vraiment horrible, hein ? Je suis contente que vous la détestiez
car je hais Ombrage.
SF : C'est la pire. [Au concierge, qui vient d'entrer] On a une véritable
question, de quelqu'un du monde des moldus ? Une question Internet
de Jessica Wells, originaire d'Australie mais qui vit maintenant
à Londres : Harry a vu ses parents mourir, alors pourquoi ne pouvait-il
pas voir les Sombrals jusqu'à présent ?
JKR : Je savais bien que j'allais y avoir droit. C'est une excellente question,
et voilà la vérité : à la fin de La Coupe de feu, nous avons renvoyé
à la maison un Harry plus déprimé qu'il ne l'avait jamais été
en quittant Poudlard. Je savais que les Sombrals arriveraient,
et je peux le prouver car ils figurent dans le livre que j'ai
écrit pour Comic Relief, Les Animaux fantastiques. Il s'agit de
chevaux noirs ailés. Cependant, si Harry les avait vus mais que
rien n'avait été expliqué, ç'aurait été tricher envers le lecteur.
Alors pour me l'expliquer, j'ai décidé qu'il fallait voir la mort
mais aussi assimiler cela, le laisser pénétrer, et que qu'après
seulement, ces créatures pouvaient se matérialiser devant vous.
C'est comme ça que je m'en tire.
SF : Absolument. Si vous ne pouviez pas introduire de nouveaux personnages
dans vos nouveaux livres, ce serait difficile pour vous. Pouvez-vous
nous expliquer avec des mots de deux syllabes maximum en quoi
consiste l'arithmancie ?
JKR : Eh bien, l'idée que vous vous en faites est aussi bonne que la mienne,
Stephen. L'arithmancie consiste à prédire l'avenir en utilisant
des chiffres. J'ai décidé qu'il y aurait de la numérologie là-dedans,
mais je n'ai pas la moindre idée de la manière dont ça marche.
SF : C'est très honnête de votre part, merci. On dirait que nous n'avons
plus de temps pour les questions, mais je vous annonce avec plaisir
que le spectacle est loin d'être terminé car dans un instant Jo
va nous lire un passage de son nouveau livre. Et s'il y a quelqu'un
ici ou dans le monde qui ne sait pas ce qui s'est passé dans les
quatre premiers livres - je pense pas qu'une telle personne existe,
mais il est possible de modifier la mémoire avec un sortilège,
par exemple - nous allons nous en aller un moment pour laisser
des experts vous raconter toute l'histoire jusqu'à maintenant.
À tout de suite.
[Des enfants, sur les écrans géants, résument les quatre livres]
[JKR revient sur scène et lit un extrait de L'Ordre du Phénix]
SF : Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, remercions encore une fois cette
femme remarquable qui a donné à des millions de gens un plaisir
profond et éternel. J.K. Rowling !
[cris de joie et applaudissements]
Interview traduit par Hedwige.
Version originale en anglais disponible sur le site de Quick
Quote Quill.