Bien que
les livres Harry Potter soient des livres pour enfants, j’ai
aimé les lire, comme beaucoup d’autres parents. J’ai
été vraiment excitée par les histoires. Pour
moi, les mystères fonctionnent bien, mais ils sont également
très drôles. Vous rendez le monde de Harry Potter tellement
convainquant. D’une certaine façon, ils sont très
profonds.
C’est agréable
de vous entendre dire cela car j’ai passé tellement
de temps à construire ce monde – cinq années
à écrire sur Harry avant que quiconque n’en
lise un mot. Je suis embarrassée par le nombre d’arbres
qui sont morts à cause de moi. J’écris tout…
et je le perds rapidement. Tout est entreposé dans des boites.
Je détestais
les livres qui ont des passages à vide et qui laissent des
questions en suspens. Les trous me mettent hors de moi. Je déteste
arriver à la fin d’un livre et me dire, si untel et
untel avaient répondu à Mr Y dans le chapitre trois,
tout cela n’aurait pas été nécessaire.
Donc, j’essaie d’être méticuleuse et d’être
sûre que tout marche bien en fonction des règles, même
si c’est bizarre, de manière à ce que chacun
comprenne exactement comment et pourquoi.
J’ai une
imagination visuelle. Je sais que ce n’est pas le cas de tous
les écrivains – certains entendent des mots au lieu
de voir des images. Mais je vois les choses, puis j’essaie
de décrire aussi fidèlement que possible ce que je
vois. Je dois d’abord imaginer quelque chose de façon
claire, puis j’écris.
Les livres Harry
Potter sont supposés être pleins de surprises, mais
j’ai essayé de faire en sorte qu’ils se déploient
d’une façon réaliste. Les personnages peuvent
agir de façon différente de leur caractère
et montrer des facettes cachées, car c’est ce que font
les gens de temps en temps.
Comment vous est venue l’idée des livres sur
Harry ?
Dans un flash.
Un garçon, qui ne sait pas qu’il est un sorcier, envoyé
dans une école de sorcellerie. C’était le départ.
J’ai commencé à penser à ce que pourrait
être l’école des sorciers, et j’ai été
très excitée.
Pour le collège Poudlard, vous avez donné
des effets ingénieux à des caractéristiques
des histoires de pensionnats traditionnels. Quel est, selon vous,
l’attrait des histoires de pensionnat ?
Dans les fictions,
les pensionnats sont des sortes de familles de substitution. Les
élèves sont entre eux, libres de leurs parents, et
de la culpabilité de leur désobéir. J’ai
eu une éducation compréhensive – je n’ai
jamais mis les pieds dans un pensionnat. On m’a demandé
récemment si j’aurais aimé y aller. Non, pas
du tout! Mais si ça avait été Poudlard –
oui, dans la minute-même.
Quand des nouveaux
élèves arrivent à Poudlard, ils prennent le
choixpeau magique pour être répartis dans la maison
où ils iront : Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle.
Serpentard est associé aux mages noirs. Quand les gens portent
le choipeau, ils entendent sa voix. Harry n’aime pas ce qu’il
entend sur lui, il trouve cela perturbant. Ce que je veux montrer
par là, c’est que ce sont nos choix plutôt que
nos capacités qui montrent ce que nous sommes vraiment. C’est
ce qui fait la différence entre Harry et son pire ennemi,
Tom Jedusor.
Dans la Chambre
des Secrets, le choixpeau dit à Harry que s’il était
allé à Serpentard, il serait devenu un puissant sorcier.
Il a choisi de ne pas le faire. Mais Tom Jedusor, qui a été
formé par l’ambition et le manque d’amour, succombe
au désir de pouvoir. Bien qu’il soit supposé
être mort des années auparavant, son esprit malin manipule
les évènements à travers le journal enchanté.
Où avez-vous eu l’idée du journal ?
Ma sœur avait
l’habitude de confier ses pensées les plus intimes
à son journal. Sa plus grande peur était que quelqu’un
ne le lise. C’est ainsi que l’idée d’un
journal qui est votre ennemi m’est venu. Vous confiriez tout
à des pages qui ne sont pas inanimées.
Aviez-vous un soupçon que Harry Potter à l’Ecole
des Sorciers aurait autant de succès ?
Je me souviens
d’un jour à j’avais écrit pendant des
heures, et quand je me suis arrêtée j’ai ressenti
l’appel de la caféine… J’ai descendu le
Bridges [la route devant le Nicolson’s Café où
Rowling écrivait ses premiers brouillons] en pensant, «
la difficulté, ça sera de réussir à
être publié. Mais si c’est publié, il
y aura un groupe de personnes qui l’aimeront vraiment. »
Puis j’ai pensé, « Oh, allons ! ». En fait,
bien plus qu’un groupe de personnes l’a aimé.
Il s’est si bien vendu que je peux maintenant écrire
à plein temps, et ça a toujours été
mon ambition.
Insérez-vous des images de vos rêves dans les
livres ?
Des idées
viennent de toutes sortes de lieux et parfois je ne réalise
pas où je les ai eues. Un ami de Londres m’a récemment
demandé si je me souvenais de la première fois où
j’ai vu Hogwarts [ndlt : Poudlard en français].
Je n’avais aucune idée de ce qu’elle me disait,
jusqu’à ce qu’elle me rappelle le jour où
nous sommes allé au Kew Gardens et que nous avons des lis
qui s’appelaient Hogwarts. Je les avais vu sept années
auparavant et ils étaient restés dans ma mémoire.
Quand Hogwarts m’est apparu comme le nom de l’école,
je ne savais pas d’où il venait.
Je me suis mise
à penser à l’armoire de Narnia [dans la série
de CS Lewis, incluant le Lion, la Sorcière et l’Armoire],
quand on dit à Harry de se lancer contre la barrière
de la gare de King’s Cross – elle disparaît et
il se retrouve sur le quai Neuf Trois Quart, où se trouve
le train pour Poudlard.
Narnia est litéralement
un monde différent, alors que dans les livres Harry Potter
vous pénétrez dans un monde qui se trouve à
l’intérieur d’un monde, que vous pouvez voir
si vous y appartenez. Une bonne partie de l’humour vient des
collisions entre la magie et le monde de tous les jours. Généralement
il n’y a pas beaucoup d’humour dans les livres de Narnia,
bien que je les adorais quand j’étais petite. J’étais
tellement accrochée que je ne pensais pas que CS Lewis était
spécialement prêcheur. En les relisant maintenant,
je trouve que son message subliminal n’est pas si subliminal
que cela.
Vraiment, CS Lewis
avait des objectifs très différents des miens. Quand
j’écris, je n’essaie pas de faire le point ou
d’enseigner une philosophie de la vie. Un problème
que l'on rencontre dans une série, c’est comment les
personnages grandissent… si on leur permet de grandir. Les
personnages dans le Club des Cinq d’Enid Blyton agissent comme
des adolescents prépubères à travers toute
la série. Dans les livres de Narnia, les enfants ne sont
jamais autorisés à grandir, même s’ils
deviennent plus âgés.
Je veux que Harry
Potter et ses amis grandissent en même temps qu’ils
deviennent plus âgés, même si je garde un ton
humoristique, dans le ton des livres. Je veux qu’ils atteignent
l’âge de 17 ans, découvrent des petites et petits
ami(e)s et ressentent des sentiments sexuels – rien de trop
graveleux. Pourquoi ne pas les autoriser à avoir ces sentiments
?
Quels étaient vos livres préférés
quand vous étiez enfant ?
« Ballet
Shoes » de Noel Streatfield. « The Little White Horse
» d’Elizabeth Goudge. C’était mon livre
préféré. Je l’adorais. J’aimais
également Paul Gallico, spécialement « Manx
Mouse ». C’est un bon livre. Gallico gère l’équilibre
entre la magie et la réalité de manière si
habile, que les évènements les plus fantastiques donnent
l’impression d’être plausibles.
Qui sont vos auteurs préférés maintenant
?
Jane Austen, Nabokov,
Colette. Parmi les écrivains contemporains, je pense que
Roddy Doyle est véritable génie.
Les gens vous comparent parfois à Roald Dahl.
J’ai été
comparée à lui plus qu’à quiconque d’autre.
Je le prends comme un compliment. Il y a parfois des similitudes
dans notre humour. Charlie et la Chocolaterie et James
et la grosse pêche sont brillants, mais il ne fait pas
parti de mes auteurs pour enfants préférés.
Nos écrits sont vraiment différents. Mes livres ont
en fin de compte plus de morale. C’est un mot démodé,
mais tant pis. Ils ne sont pas moralistes, mais il y a souvent,
en filigrane, une lutte bien-contre-mal. Bien que ce ne soit pas
tout blanc ou tout noir. Harry viole beaucoup de règles.
Il n’est pas bon, dans le sens de Enid Blyton.
J’aime vos blagues qui se dévoilent lentement,
et vos jeux de mot.
Mon ambition est
d’écrire des livres que le lecteur ne comprendra pas
nécessairement complètement à la première
lecture. Je lis mes livres préférés encore
et encore jusqu’à ce qu’ils tombent en morceaux,
littéralement. J’ai acheté trois exemplaires
de Emma – ils sont tombés dans mon bain et la couverture
est partie, et j’ai dû les remplacer. Rien ne me rend
plus heureuse qu’un enfant qui m’apporte un exemplaire
de Harry dans un état épouvantable – cela prouve
qu’ils l’ont lu et relu.
Lisez-vous des livres sérieux sur la magie ?
Je ne suis pas
du genre New Age – pas avec des cristaux. Mais à travers
mes lectures, j'ai appris un nombre ridicule de choses à
propos de la magie. Certains des sortilèges de mes livres
viennent de croyances populaires. Je trouve les livres sur la magie
fascinants, mais parfois les choses que les gens croient sont absolument
hystériques.
Que pensez-vous à propos du fait d’avoir obtenu
un succès aussi rapide comme écrivain ?
Je suis toujours
légèrement abasourdie de vivre la vie que j’ai
toujours rêvée. J’en frissonne au moins une fois
par semaine.
Interview traduit
par Jessica.
Version originale en anglais disponible sur le site de Quick
Quote Quill.
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