L’auteur à succès J.K. Rowling essaie toujours de comprendre la gloire instantanée qui est arrivée avec son premier roman pour enfants.


Je dois confesser un a-priori : j’ai grandi dans une vieille ferme délabrée dans County Wicklow, en Irlande, un lieu à la magie pluvieuse qui ne ressemble pas à la maison confortable mais croulante de la famille de sorciers dans le second livre Harry Potter de J.K. Rowling. Je suis également une anglophile complète, avec un faible pour les zézaiements et les chaussettes aux genoux. Donc quand mes jumeaux américains fans de technologie ont abandonné leurs jeux d’ordinateurs nihilistes pour lire une histoire de garde-chasse, de gobelins, de préfets et de saucisses, j’étais ravie.

Comme il convient pour les histoires de pouvoirs magiques, la popularité du premier roman de Rowling, « Harry Potter and the Sorcerer’s Stone » (publié en Grande Bretagne sous le titre « Harry Potter and the Philosopher’s Stone »), est un peu conventionnelle – un feu s’étendant d’enfant en enfant, grossis par les chuchotements dans les salles de classes des deux côtés de l’Atlantique. Ce qui le rend plus phénoménal encore, c’est que le livre, destiné à des lecteurs de 8 à 12 ans, entame sa 15ème semaine dans la liste des best-sellers du New York Times. (En comparaison, le dernier roman « crossover » majeur, le livre de Philip Pullman de 1996 « The Golden Compass », était présenté comme tel par Knopf dans une campagne coûteuse qui a fait de lui un bestseller, bien qu’il n’ait pas figuré dans la liste du Time).

Une source fraîche et claire d’une narration palpitante, « Harry Potter » est aussi No.1 sur la liste Independent Booksellers, devant « The Testament » de John Grisham. On ne s’étonne pas qu’en Grande-Bretagne, les livres pour enfants de Rowling paraissent sous deux jaquettes – une destinée aux enfants, et une suffisamment simple pour que les adultes puissent lire les livres en public.

Dans le prochain livre de la série, « Harry Potter et la Chambre des Secrets », Rowling dilate le monde fascinant de l’école de sorcellerie de Poudlard avec des surprises à chaque tournant : un journal qui répond ; des portraits d’ancêtres qui se soignent et mettent des bigoudis dans leurs cheveux la nuit ; un énorme garde-chasse ayant un faible pour les animaux domestiques mangeurs d’hommes ; un professeur qui meurt, ne s’en aperçoit pas et continue à faire cours en fantôme. A un moment, Harry est averti que certains livres sont dangereux : « Il y avait une vieille sorcière à Bath, elle avait un livre qu’on pouvait pas arrêter de lire! Tu devais te balader avec le nez sur les pages, en essayant de tout faire avec une seule main! »

Rowling a écrit un autre livre. Le bouche-à-oreille à propos de la suite est déjà si répandu que son éditeur américain, Scholastic, a annoncé que la date de sortie aux Etats-Unis est ramenée de Septembre à Juin.

L’éditeur a évidemment ressenti la pression des Potteriens qui avaient déjà commencé à commander leur exemplaire sur le net ou à le ramener en contrebande du Royaume-Uni, où il est sorti en juillet dernier. Barbara Marcus, la vice-présidente exécutive, a également annoncé que Scholastic prévoyait de programmer la sortie des autres livres de la série à des dates plus proches de celles en Grande-Bretagne « pour des raisons évidentes ».

L’histoire de la créatrice de Harry Potter, Joanne Rowling, est en quelque sorte magique elle aussi : elle était démunie et élevait seule son bébé tandis qu’elle finissait sa première histoire « Harry Potter » ; une bourse du Scottish Arts Council lui a permis de le finir. (Savoir cela vous rend plus content quand Harry échappe lui-même à la pauvreté spirituelle de ses cruels oncle et tante et monte dans le train pour le collège Poudlard et son royaume aux possibilités infinies et aux traditions riches, si ce n’est étranges). Salon est allé à la rencontre de Rowling dans sa maison à Edinburgh, en Ecosse, où elle a parlé de sa gloire instantanée, des « moldus » et du fait d’être mère célibataire.


La publicité autour de votre livre dit que vous étiez une mère célibataire dans le besoin quand vous écriviez « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers ». Pourriez-vous nous en dire plus sur cette époque ?

En fait, Je n’étais pas tout le temps une mère célibataire dans le besoin quand j’écrivais le premier livre Harry Potter. C’était seulement pendant la dernière année d’écriture que je suis devenue plus pauvre que je ne l’avais jamais été avant. Bien sûr, continuer à écrire était en quelque sorte un problème de logique : je devais utiliser au maximum les moments où mon bébé dormait. Cela signifiait écrire les nuits et durant les siestes.

J’avais l’habitude de la mettre dans un landau et de marcher avec elle dans Edingurgh, attendre qu’elle somnole puis me ruer dans un café et écrire aussi vite que je le pouvais. C’est impressionnant comme vous pouvez être productif quand vous savez que vous disposez d’un temps très limité. Je n’ai probablement jamais été aussi productive depuis, si vous comptez le nombre de mots par jour.


Qu’est-ce que ça vous a fait de réaliser que le livre était un succès ?

Ca a l’air un peu habituel, mais rien de ce qui s’est passé n’a atteint en intensité le moment où j’ai réalisé que « Harry » allait être publié. C’était la réalisation de l’ambition de ma vie – être un auteur publié – et le point d’orgue de tous ces efforts que j’avais fournis. Le simple fait que je verrais mon livre sur un rayon d’une librairie me rendait plus heureuse que je ne peux le dire.

J’avais été très réaliste sur la probabilité de vivre par l’écriture de livres d’enfants – je savais que c’était assez exceptionnel d’arriver à le faire – et ça ne me préoccupait pas. Je priais pour que je gagne simplement assez d’argent pour justifier le fait que je continue à écrire, car j’élevais seule ma fille. J’espérais être capable d’enseigner à mi-temps (à cette époque je travaillais comme professeur de français) et de continuer à écrire un peu.

Trois mois après la publication britannique, mon agent m’a appelé vers huit heures un soir pour me dire qu’il y avait une enchère à New York pour mon livre. Ils avaient atteint cinq chiffres. Ca m’a fait un choc. Puis quand il m’a rappelé à 10 heures du soir, cela avait monté à six chiffres. A 11 heures, mon éditeur américain, Arthur Levine, m’a appelé. Les premiers mots qu’il m’a dit étaient : « Ne paniquez pas. » Il savait vraiment ce que je ressentais à cet instant. Je suis allé me coucher mais je ne pouvais pas dormir. D’une certaine façon j’étais évidemment ravie, mais surtout tétanisée.

Pour la première fois de ma vie, j’ai eu un blocage pour écrire. L’enjeu semblait avoir beaucoup grandi, et j’étais l’objet de beaucoup de publicité en Grande-Bretagne, pour laquelle je n’étais absolument pas préparée. Jamais dans mes rêves les plus délirants je n’avais vu mon visage dans les journaux – et surtout pas sous-titré, comme ils le faisaient le plus souvent, « mère célibataire sans le sou ». C’est dur d’être désignée par l’époque la plus difficile de sa vie. Mais cet aspect de l’histoire diminue maintenant en Grande-Bretagne, heureusement ; les livres sont maintenant le sujet principal, ce qui me convient parfaitement.


Dans vos livres, le collège Poudlard est incroyablement fantastique, depuis la forêt interdite et le terrain de Quidditch, et les donjons sans fin, jusqu’aux portraits parlants et le propre lit douillet à baldaquin de Harry. Voyez-vous l’école comme un sanctuaire potentiel pour les enfants ?

On me demande souvent si je suis allé dans une pension et la réponse est non. J’ai fréquenté une école publique externe. Je ne voulais pas aller dans un pensionnat (bien que si ça avait Poudlard, j’aurais fait mes bagages dans la seconde.) L’école peut être un sanctuaire pour les enfants, mais elle peut également être un endroit effrayant ; les enfants peuvent être extraordinairement cruels entre eux.


A une époque où les parents sont très impliqués, pensez-vous que la notion de pensionnat et d’autonomie qu’elle entraîne pourrait avoir le charme d’un tabou pour les enfants et les parents ?

Je pense que c’est vrai. Le statut de Harry comme orphelin lui donne une liberté que d’autres enfants peuvent seulement rêver (en culpabilisant, bien sûr). Aucun enfant ne veut perdre ses parents, mais l’idée d’être enlevé de la surveillance des parents est séduisante. Dans la littérature, l’orphelin est libéré de l’obligation de satisfaire ses parents, et de l’inévitable réalisation que ses parents ne sont que des êtres humains avec leurs défauts. Il y a également quelque chose de libérateur dans le fait d’être transporté dans une famille de substitution, que la pension représente, où les relations sont moins intenses et les limites peut-être plus clairement définies.


Est-ce qu’un personnage ou une scène dans « Harry Potter » provient de votre expérience de mère célibataire ?

Il y a une part tellement grande de « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers » qui a été écrite et prévue avait que je ne me retrouve mère célibataire que je ne pense pas que mes expériences de cette époque ont directement influencé l’intrigue ou les personnages. Je pense que le seul évènement de ma vie qui a changé la direction de « Harry Potter » a été la mort de ma mère. C’est alors seulement que j’ai pleinement réalisé à la relecture du livre combien mes propres sentiments à propos de la perte de ma mère avaient déteints sur Harry.


Dans votre premier livre, les sorcières et sorciers se comportent de manière légèrement étrange lorsqu’ils sont en présence des « moldus », ou du monde normal – revêtus de leur cape aux douzaines de poches. Le but est-il de rappeler aux lecteurs les personnes sans abris ?

Pas nécessairement les personnes sans abris, bien que l’image ne soit pas si éloignée de ce que j’essayais de suggérer. Les sorciers représentent tout ce que le véritable « moldu » craint le plus : ils sont tout à fait en dehors de la société et content de l’être. Rien n’est plus énervant pour le véritable conventionnel qu’un inadapté qui n’a pas honte de cela !


Est-ce que votre expérience d’enseignante vous a aidé à écrire pour les enfants ?

J’ai enseigné à peu près quatre années, principalement à des adolescents. Ce sont mes propres souvenirs de mon enfance qui m’ont renseigné pour écrire, toutefois ; je pense que j’ai de très vifs souvenirs de ce qu’on ressent quand on a 11 ans. La littérature classique dans mon diplôme à Exeter College m’a fourni beaucoup de bons noms de personnages – pas exactement dans l’usage que mes professeurs attendaient de moi, pourtant.


L’un des personnages les plus attachants du livre est Hermione Granger, l’une des meilleurs amis de Harry et un livre ambulant dont les recherches l’aident toujours à résoudre les mystères. Hermione nous montre l’érudition comme quelque chose de captivant et d’intéressant, et pourtant elle est très réaliste, et aime écraser les personnes imbues d’eux-mêmes. Comment l’avez-vous inventé ?

Hermione a été très facile à créer car elle est presque entièrement basée sur moi à l’âge de 11 ans. Elle est vraiment une caricature de moi-même. Je n’étais pas aussi intelligente qu’elle, de même que je ne pense pas que j’étais une telle mademoiselle Je-Sais-Tout, bien que d’anciens camarades de classes pourraient penser le contraire. Comme Hermione, j’étais obsédée par la réussite dans mes études, mais cela masquait un énorme complexe d’infériorité. Je pense qu’il est très fréquent chez beaucoup de jeunes filles de ressentir cela. Et aussi, ses béguins pour les garçons non appropriés… et bien, j’ai fait des erreurs dans ce domaine. Le fait d’avoir un bon cerveau ne signifie pas que vous contrôlez mieux vos hormones !


Quel est le livre le plus mémorable que vous ayez lu étant enfant ?

Mon livre préféré quand j’étais plus jeune était « The Lttle White Horse », d’Elizabeth Goudge. Ma mère m’avait donné le livre quand j’avais 8 ans ; c’était l’un de ses préférés quand elle était enfant. J’aimais aussi « Manxmouse » de Paul Gallico, et, bien sûr, les livres de Narnia, de C.S. Lewis.


Dans les deux livres de Harry Potter, votre vocabulaire est extraordinairement riche et inventif. De quelle manière cela encourage les enfants à cultiver un tel nombre de mots ?

J’ai toujours répondu aux enfants qui me demandent des conseils pour devenir écrivain de lire autant qu’ils le peuvent. Jane Austen avait donné à un jeune ami le même conseil, donc je continue son exemple.


Pensez-vous que la langue anglaise est plus vivante en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis ?

Une partie de ce qui rend une langue « vivante »est son évolution constante. Je détesterais l’idée que la Grande-Bretagne rivaliserait un jour avec la France, où ils ont actuellement une faculté d’érudits qui travaillent à tenter d’empêcher l’incursion de mots étrangers dans la langue. J’adore éditer « Harry » avec Arthur Levine, mon éditeur américain – les différences entre « l’édition britannique » (à propos de laquelle il doit y avoir au moins 200 versions) et « anglais-américain » sont une source d’intérêt et d’amusement pour moi.


Etre une mère nécessite souvent une sorte d’expertise générale – infirmière, copine, cuisinière, femme de ménage, garde du corps – avec un nombre sans fin de distractions. C’est si différent de l’écriture, qui nécessite habituellement une discipline et une concentration vers un seul but. Comment conciliez-vous les deux ?

J’écris pendant que ma fille est à l’école, et je n’essaie même pas quand elle est dans les parages – elle est trop âgée pour les siestes maintenant.


Avez-vous un conseil pour les mères célibataires dans le besoin ?

Je n’aime jamais beaucoup donner des conseils aux autres mères célibataires. Personne ne sait mieux que moi que j’ai été très chanceuse – je n’avais pas besoin d’argent pour exercer le talent que j’avais – tout ce dont j’avais besoin était un stylo et du papier. Et les autres mères célibataires n’ont pas besoin qu’on leur rappelle qu’elles font déjà le travail le plus exigeant du monde, qui n’est pas suffisamment reconnu à mon goût.


J’ai lu que la Warner Brothers avait acheté les droits pour « Harry Potter ». Que ressentez-vous à l’idée que Hollywood recrée vos personnages ?

Un mélange d’excitation et de nervosité ! Je pense que « Harry » ferait un grand film, mais bien sûr je suis protectrice envers les personnages avec lesquels j’ai vécu si longtemps.


Comment envisagez-vous votre futur ?

Et bien, j’écrirai, c’est tout ce que je sais. J’ai fait ça toute ma vie et c’est nécessaire pour moi – je ne me sens pas très normale lorsque je n’ai pas écrit depuis un temps.

Je doute que j’écrirai encore quelque chose d’aussi populaire que les livres « Harry », mais je peux vivre assez facilement avec cette pensée. D’ici à ce que je finisse Harry Potter, j’aurai vécu avec lui pendant 13 ans, et je sais que je ressentirai comme une perte. Donc je prendrai certainement du temps pour faire une pause, et puis ça sera parti pour le prochain livre !

Interview traduit par Jessica.
Version originale en anglais disponible sur le site de Quick Quote Quill.

 

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